Ariane n'a pas cherché midi à quatorze heures. Elle le clame, elle le crie sans tourner autour du pot dans son cahier de mémoire n°16, intitulé "POP-CORN" (ses 17 cahiers qui ont tous un nom) :
Mardi 19 octobre 1982
Je hais les humains. Ils sont méchants, minables. Vous n'avez jamais remarqué, dès qu'il y a une bagarre, les lâches changent de trottoir, n'aident pas, ou alors ont cette vicieuse envie de regarder perversement le conflit, le scandale, les catastrophes.
Les vieux ne savent pas sortir autre chose que le mot «E-du-ca-tion». Je les emmerde! Ils sont vieux, sans ressource, sans espoir. Quant aux jeunes, ils ont en eux cette envie de détruire. Les auteurs du vandalisme! La méchanceté!
Je vous hais, humains. Vous êtes ignobles, moches, fermés. Je ne trouve pas de satisfaction avec vous.
Ces mecs qui se prennent au sérieux avec leur moto... Mais connards! J'ai qu'à attendre dix-huit ans et voilà. Vous avez juste plus de chance que moi. Je suis super, alors pourquoi me mépriser? Enfoirés. Vous êtes supérieurs?
Et puis cette agressivité sur la route, c'est dément. Jamais un peu de gentillesse. Je ne demande pas de la politesse, je m'en fous, mais de la sympathie.
Et maintenant, parlons des profs. Pauvres merdeux qui finissent fous, exténués... Il y en a toujours un qui me fout des bâtons dans les roues. Ils sont franchement pas très psychologues! Car faut pas décourager les bonnes intentions, ni provoquer des injustices.
Mais merdeux d'humains, méchants, moches et désagréables, je vous emmerde. Minables qui ne comprenez rien! Vous êtes une marmaille infecte sans cœur. Jamais je me laisserai abattre. Je suis la plus forte.
J'essaie de pas m'enfoncer dans cette racaille qu'est l’espèce humaine.
Gisèle Grimm, la transcriptrice