Dans ses "mémoires", à 13 ans, Ariane récapitule déjà sa carrière d'écrivain !
"Vers 10 ans, le nom de Limine que j'ai trouvé m'a plu et j'ai décidé de lui faire
jouer des aventures proches des miennes, de mes problèmes mais qui réussit à la fin. Puis il y a eu l'époque des cowboys. Pendant presque un an, je dessinais le héros qui grandit: Limine, devenue
une cow-girl, qui se mariait d'ailleurs avec Lucky-Luck (vers la 6ème)."
Dans son journal, Ariane Grimm parle de ce qui se passe dans sa tête avec ses parents qui ont divorcé... Changer de lieu!
Perdre ses repairs! Ne plus savoir sur quel pied danser! ...
Elle a 15 ans, elle vient de quitter "la Noute" (Grimm) et elle vadésormaisvivre avec son pèredans une des Tours de la Défense près de Paris. Très triste, elle écrit dans"Pop Corn",nom qu'elle donne àson journal :
Mardi 7 septembre
1982
Je suis toujours dans mon malheur. Je ne supporte pas les autres. Je fais alors la
gueule et je ne peux pas rire.. ni sourire.
Je suis inquiète de la rentrée. J'ai peur d'être seule quand je rentre du bahut.
Sinon, tout va bien. Ces problèmes sont un peu bidon. C'est mon cerveau malade qui les invente. Mais vous comprenez, cette situation est très pénible. Toujours on change de bled : la rue des
boulangers... La Tour à La Défense... Je sais pas trop où j'en suis.
Je raconte n'importe quoi. J'aime changer de lieu. Je ne me plais jamais là où je
suis... C'est-à-dire que j'aurais besoin d'un lieu fixe pour me guider. Oui à la Tour, mais c'est si nouveau.
[...]
Je souffre aussi de ne pas avoir eu de flirt
cet été. Un vrai, comme dans « Le Grand Amour » : on s’aime, on se quitte plus! J’ai lu dans «O.K. Magazine» : «Comment se séparer sans verser de larmes?» Au début, je
prenais une attitude très méprisante pour toutes ces petites histoires ! La meufe qui retrouve son ancien flirt après les vacances et qui se jette dans ses bras après avoir quitté un autre
type avec qui elle a filé le parfait amour... Pourquoi pas moi? [...]
C'était vrai en 1791quand le jeune Otto van Eck, 11 ans, commença à tenir (en néerlandais) un journal
à l’instigation et sous le contrôle de ses parents. On saisira la ligne générale de ce journal dans la note suivante, écrite à 14 ans :
« Ce matin, quand ma mère a lu mon journal de la semaine passée, elle m'a dit
qu'elle n'aimait pas ma façon de le tenir, et qu'au lieu de parler de mes jeux et de mes leçons, qui sont presque toujours identiques chaque jour, je devais évoquer ma conduite rationnelle et les
passions qui me guident ou les fautes que je commets. C'est, en effet, je dois le reconnaître, plus utile » (16 mai 1795 - 14 ans).
Deux cents ans plus tard, en1982, la jeune Ariane Grimm écrivait à 15 ans dans son journal auquel elle donnait le nom de
"Copper":
Ah! Petit Copper, que je suis contente de
t'avoir trouvé. Je pourrais fumer, boire, me camer, prendre systématiquement du féca, plus jamais de sport, plus jamais t'écrire, mon chéri, et j'en serais au point du suicide! Je ne me
suiciderais pas mais je raterais mes études sans me fendre pour autant. Je deviendrais une pauv'fille.
Mon chéri Copper, je t'écris, et avec mon
courage, je sors d'une torpeur gigantesque. Je fais face, j'affronte. C'est atroce. Je me bats. [...]
Il faut préciser qu'Ariane avait commencé à écrire son journal à 7 ans et à sa seule initiative. En outre, elle en
avait interdit la lecture..... : "la personne qui lira ce cahier sans la permission de son
propriétaire ne sera pas hors de danger".
Il ne faudrait pas croire que la mère d'Ariane est une pauvre femme qui vit tristement avec ses vieux souvenirs en sortant
de temps en temps du fond d'un tiroir quelques lettres et quelques petites histoires écrites par sa chère enfant...
Non non !!!
C'est "la chére enfant" qui tenait à ce que tout le monde sache bien ce qu'elle écrivait et aussi... ce qu'elle n'écrivait pas! La preuve :
En classe de musique avec l’école, à 10 ans:
Le 10 décembre 1977
Ma chère noute,
Je ne sais pas ce qu’il s’est passé hier mais je n’ai
rien écrit, ni cahier de mémoire, histoire, poésie, rêve. Je t’écris quand même.
J’ai reçu mes partitions. C’est bien ça. Je te remercie
énormément. Je suis pressée de rentrer. Dans six jours, nous nous embrasserons. YOUPI !
Peux-tu me donner 5 enveloppes timbrées, merci, car je ne peux
plus écrire. C’est la dernière enveloppe. Je t’adore ma noute. Je t’aime à la folie ma noute, je pense bien à toi. Vite quand nous rentrerons, je t’embrasserai fort. J’ai bien peur que le
facteur arrive. Je t’aime.
Ariane
S'il vous plaît de lire quelques-unes des lettres dans lesquelles Ariane parle de ses cahiers de mémoire (son journal),
cliquez ici!
Dès l’âge de 10 ans et même avant, Ariane s’est comportée en archiviste, répertoriant,
classant, et commentant ses propres productions. A 12 ans, sur unenote rappelant les différentes étapes de
sa carrière d’écrivain, elle explique qui est "Limine": "Une fille qui joue des
aventures proches des miennes, de mes problèmes, mais qui réussit à la fin".
Je m’appelle Limine. Je suis née dans la France à Paris, dans l’hôpital Leclerc. J’ai quatre ans et demie. Je commence à parler bien. Je
grandis. Je vais à l’école Dunine. [...]
Dans notre école, la préférée de tous est Caroline, une blonde qui est la meilleure de la classe.
Tous les garçons l’aiment ainsi que ses deux meilleures amies. Il y a Lydia, une fille petite pour son âge, aux yeux bruns et aux
cheveux noirs et une ancienne bonne amie, blonde avec des yeux ronds et bleus. Les 9 autres sont une grosse fille marrante qui s’appelle Frédérique et plein d’autres,sauf moi évidemment.Personne ne m’aime, tant pis.
Tous les soirs je rentre seule dans la rue du Boulange. Je vais seule dans
la boulangerie pour m’acheter un petit pain au chocolat, pendant qu’elles s’achètent des bonbons.
[...]J’habite quand même assez près de l’école alors je peux les
voir.Le lendemain, le même cinéma recommence. Je me mets toujours seule à la queue. Quand je demande quelqu’un pour
me mettre avec elle, tout le monde me dit : « Mais t’es toujours seule. » Quelle réponse ! Ça n’a aucun sens enfin! Je suis malheureuse.
Les jours
passent et c’est bientôt l’anniversaire de Caroline. Quelle fête ce sera. Elle mettra sa petite robe rose ainsi que toutes ses copines (sauf moi). Elles se mettront deux par deux et elles
danseront. A chaque fois qu’il faut se mettre deux par deux, mon cœur bat : Avec qui je vais être ? Evidemment personne.[...] (à suivre dans un prochain article. Mais sachez qu'Ariane a bien précisé que Limine réussit à la fin... à se faire aimer...).
S'il vous
tente de voir la même histoire dessinée par Ariane,cliquez ici.
L'histoire s'intitule : est-ce parce que je suis coléreuse?
Céline censuré pour ses propos rajeurs, sa hargue, ses invectives, sa violence ?
Zut alors !
Propos rajeurs, hargue, investives, violence, fureur... Mais alors, ne va-t-on pas interdire aux chercheurs l’accès aux
écrits si bien archivés de la rajeuse Ariane Grimm contre sa mère, son père, sa belle-mère... ?
???????????? !!!!!!!!!!!!!!!!!!!
A 10 ans, elle écrivait déjà dans ses "Mémoires":
[...] Maman est conne, méchante,
imbécile, sadique, emmerdeuse, rapporteuse, méchante, con, salle, désordre mais surtout sadique elle est emmerdeuse c'est brute c'est emmerdeuse de con je préfère ceux qui me déteste à elle
quelle conasse elle m'oblige à mettre une robe con courte si je la met pas elle me bat elle m'oblige à mettre une robe pas belle et puis l'année dernière elle m'a aussi obligée à mettre une robe
très courte quelle putasse! J'avais pleuré sangloter elle m'a battu [...]
(Texte mouillé de larmes. Ce mouvement de colère se prolonge dans les 4 pages qui suivent.)
Il y a des choses que l'on peut écrire dans un journal intime (Ariane appelait le sien "Mémoires") et celles plus secrètes
que l'on place dans un dossier caché au fond d'une armoire.
Soucieuse de ne rien oublié, Ariane a fait les deux : "Mémoires" et "dossier"
intitulé :
"Ce qui concerne maman"
Dans ce dossier, on trouve tout! Par exemple : "Voici une suite de lettres que j'ai écrites dans ma
colère":
Lettre écrite à la maison et laissée sur la table...
1980 (13 ans)
Je sais bien que tu es
désordre, nerveuse et brutale, mais ce n'est pas une raison pour me mettre mon maillot de bain dans la poubelle.
Je sais bien que tu es désordre mais ce n'est pas
une raison pour mettre du boxon dans ma chambre.
Je sais bien que tu n'es pas soigneuse mais ce n'est
pas une raison pour détériorer mes livres. J'en compte deux en un mois.
Ariane
Shame on me! Oui! Mea culpa!
Mais rassurez-vous! Ariane y a aussi laissé des lettres:
Dortmund, le 15 juillet 1985
(18 ans...)
Chère Source,
Voici une petite lettre de félicitations que vous méritez certainement.
Je
dois vous remercier pour ce que vous m'avez apporté de richesses.
Déjà, la
plus belle à mon avis: la curiosité.Quand un être humain ne s'intéresse à rien, il a envie de se suicider. Or, il y a toujours quelque chose qui me
passionne. Maintenant, depuis ce voyage en Italie, je suis fascinée par l'architecture. J'ai eu une «période endormie» et il ne fallait que réveiller ce qu'une Source m'avait
inculqué.
Il ne faudrait pas croire qu'Ariane n'a parlé que d'elle-même dans son journal! Non non! Et ce qu'elle "racontait" n'était
pas que factuel! Il y avait du sentiment, de la cogitation et même des choses... qu'on peut écrire dans un journal intime mais JAMAIS dans un blog dans lequel, qu'on ne veuille ou non, on a
intérêt à ne pas tout dire!
A 12 ans, dans son cahier de mémoire n°8, on peut s’étonner de
trouver plusieurs dessins de prostituées et même l’acte sexuel sans détour... Ils figurent pourtant dans son journal et ne représentent même qu’une toute petite partie de ce
qu’elle a créé dans ce domaine. Le récit d’un film et la surprenante suggestion d’un éditeur semblent en être la cause :
« Hier, ma mère m’a raconté « Casanova », un film italien qu’elle venait de voir, Fellini je crois» écrit Ariane dans son
journal. Or, hasard! un éditeur ami souffla à l’oreille de sa mère qu’avec un tel coup de crayon, il serait intéressant qu’Ariane « ajoute du sexe à ses créations ».
Sidérée, la mère d’Ariane rapporta cette étrange suggestion à sa fille... Cela ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd...
Et en colo,à 12 ans,elle écrivait dans ce même journal :
J’aime Patrick. Nous allons dans les ruelles et on achète des souvenirs dans les nombreux magasins qui les
bordent.
Nous allons ensuite dans les bords du Mont.
C’est pas mal.
Je suis avec
Patrick.
Nous rentrons au cas.
Nous allons manger sur le bord de
la rivière.
Je suis triste car Patrick et moi nous nous aimons et on voudrait se parler et on n’ose
pas.
On se regarde souvent. Emanuelle me console et m’explique qu’il y a encore 4 jours et on fera bien
connaissance.
Parce que l'archivage des écrits et des dessins d'Ariane Grimm (1967-1985) est achevé
:
En recevant ces images (13 gros cartons), Philippe Lejeune (Membre de l'Institut Universitaire de France,Chercheuret Fondateur de l'Association pour
l'Autobiographie) a réagit:
"[...] Le classement (méticuleux) et le conditionnement (soigneux) des écrits et dessins d'Ariane les
transforment en un fonds patrimonial qui inspirera le respect... Ce n'est pas un tas de papiers d'une fillette ou d'une adolescente lambda, objet
de l'indiscrétion gênante d'une mère abusive (ce qui m'a parfois été reproché), c'est un fonds culturel dont la
valeur est dite par le travail dont il a été l'objet. Ce classement achève le travail de légitimation qui avait été initié par un éditeur
(Belfond), une association (l'APA), une chaîne de télévision (Arte). Est-il possible que tous ces gens-là se soient trompés ?"
Ariane non plus ne s'est pas trompé. Elle a toujours eu conscience de l'importance de ce qu'elle écrivait et dessinait.
Petit extrait de l'un de ses romans :
Préface :
Ce livre n'est pas comme les autres. Je vais vous dire pourquoi: Dans
cette histoire, on parle d'une aventure puis d'une autre: quand Denis a eu des caries, quand il y avait l'inondation, etc. etc. C'est un livre avec des pages numérotées pour que les enfants
puissent le lire en classe. Il sera imprimé. J'ai 8 ans, je suis en train de le faire. Ce livre maternel passera comme un livre de lecture en C.E.1 ou C.E.2 ou C.M.1 ou
C.P.2.
:
Description : Je suis la mère d'Ariane Grimm (1967-1985), dont vous voyez ici la photo. Ariane est une jeune diariste qui a beaucoup écrit et dessiné dès l’âge de sept ans et demi… et jusqu’à dix-huit ans. Après sa disparition dans un accident de moto, j’ai fait publier les dernières pages de son journal chez Belfond (1987), puis « j’ai lu » (1988), et je publie ici ce qu’elle avait précieusement « archivé » et qu’elle appelait ses «œuvres": des pages de son journal que je présente en liaison avec l'actualité, ses histoires inventées ou... qui se sont réellement passées, ses bandes dessinées, ses conseils donnés dans un "livre de potions"... Vous trouverez aussi toutes les actualités concernant cette petite fille "écrivaine" et dessinatrice.